Le Quadrille du Capitaine Némo, Jules Verne et la danse…

Après avoir découvert le Quadrille du Capitaine Némo composé par Ida Chapelle tout spécialement pour Jules Verne en 1887, je me suis posé la question du lien que pourrait avoir Jules Verne avec la danse. Quelques indices se trouvent de-ci, de-là à travers son œuvre monumentale et sa vie Amiénoise.

Jules Verne et la danse

Jules Verne ne finira jamais de nous faire rêver tant son style a inspiré le monde. Mais qu’en est-il de la danse ? Les 2 termes Verne et Danse ne paraissent pas vraiment s’associer… Et pourtant, nous avons quelques passages dans ses œuvres qui abordent rapidement la danse, ainsi que des jolis témoignages de deux bals qu’il organisa à Amiens en 1877 et 1885.

Il semble toutefois qu’il préférait faire rêver ses hôtes comme dans ses livres par ses thématiques que de brûler le parquet de mille tours de valse. Ses hôtes ne tariront pas d’éloges comme nous le verrons…

Nous vous livrons ici quelques extraits, et à la fin, le Quadrille du Capitaine Némo d’Ida Chapelle à écouter et utiliser à souhait pour danser vos quadrilles Français…

Les 2 bals d’Amiens

Jules Verne s’installe à Amiens en 1871 et son goût pour l’hospitalité l’amène régulièrement à faire de sa maison le théâtre de soirées mondaines très appréciées.

Le Bal de 1877 : Des mille et unes nuits

En 1877, il organise un grand bal costumé dans les salons Saint-Denis (aujourd’hui disparus). Toute la bonne société amiénoise et parisienne se presse à l’événement. En tout, 700 invités prennent part au bal sur le thème de son roman De la Terre à la lune. Le héros du roman, Michel Ardan, s’inspire du photographe Nadar, grand ami de Jules Verne qui sera présent à la soirée.

Voici ce qu’en dit le Monde Illustré du 14 avril 1877 :

Monsieur Jules Verne a déjà trouvé le moyen de diriger les ballons, de faire vingt mille lieues sous les mers, de pénétrer au centre de la terre et de voyager autour de la lune. Il vient de tenter une entreprise peut-être plus difficile encore. Il a imaginé de mettre en action – à Amiens ! – un conte des Mille et une Nuits. En d’autres termes, il a invité les habitants de la ville où il a fixé sa résidence à prendre part à un bal costumé. Les compatriotes de M. Jules Verne se sont empressés de répondre à l’appel du célèbre romancier. Les journaux d’Amiens nous apprennent en effet que la fête donnée le 2 avril a dépassé toutes les splendeurs possibles.

Les salons Saint-Denis, magnifiquement décorés, étaient préparés pour recevoir plus de quinze cents personnes. Le bal commençait à dix heures, et à ce moment le coup d’œil était féerique ; les costumes, d’une richesse remarquable, étaient parsemés d’actualités puisées dans les ouvrages du maître de maison, auquel on tenait à rendre un hommage éclatant en reproduisant les différents types créés par son imagination féconde. Parmi les dames, on remarquait des costumes indiens d’une grande valeur et parfaitement réussis ; les pièces à la mode ont fourni beaucoup de sujets, entre autres une ravissante Marjolaine. Les hommes avaient des costumes mexicains, chinois, arabes, russes, etc. ; notons le costume d’un Pierrot, lequel, quoique très simple et de bon goût, a coûté simplement 1800 francs ; inutile de dire que le détachement des carabiniers Offenbach a fait merveille, et qu’ils étaient parfaitement trouvés ; le garde champêtre qui les commandait était sans égal ; une vraie création.

Le bal a été terminé par un cotillon très varié qui n’a cessé qu’à six heures du matin. Cette fête fera son tour du monde par la voie du Monde illustré.

 Le Monde illustré, journal hebdomadaire, vingt-et-unième année, n° 1044, 14 avril 1877
Vierge,M. Le bal travesti donné par Jules Verne à Amiens en 1877 – Le Monde illustré – 14 avril 1877

Le Bal de 1885 – Jules Verne aux fourneaux

Un deuxième grand bal est proposé en mars 1885. C’est celui-ci qui a inspiré la « Grrrrande auberge autour du monde ». Pour la sortie de son célèbre roman Le Tour du Monde en quatre-vingts jours, l’écrivain, organise une grande soirée dans son hôtel particulier au 2, rue Charles-Dubois à Amiens. Il y convie plus de 200 personnes. Parmi eux, des notables amiénois, des amis proches ainsi que des membres du conseil municipal. Tous les invités portent des tenues traditionnelles des différents pays du monde pour le bal costumé. Une noce villageoise et cosmopolite est reconstituée lors de la fête.

En somme, un dîner historique dont la maison Jules-Verne conserve des archives. La bibliothèque Louis-Aragon d’Amiens conserve également dans ses archives les cartons d’invitation, une photo d’Honorine Verne en tenue d’aubergiste et l’un des costumes des convives. Gédéon Baril, illustrateur et ami de Jules Verne dessine l’affiche annonçant le programme des festivités. Toutes ces pièces d’archives ne sont pas exposées au public.

Baril,G. La Grrrrrande auberge du monde, programme, 1885

Le Quadrille du Capitaine Némo

La mystérieuse Ida Chapelle

Le Capitaine Nemo d’Ida Chapelle (18..-1901) est une partition musicale composée pour piano et destinée à un quadrille. On peut s’étonner qu’un personnage aussi ténébreux que le capitaine Nemo ait pu inspirer une telle chorégraphie, mais celle-ci était semble-t-il un hommage à son créateur, la partition étant dédicacée A Jules Verne, et la lithographie l’illustrant représentant non pas le capitaine Nemo, mais l’auteur des Voyages extraordinaires.

Un quadrille dans une nouvelle

On ne sait si Jules Verne eut connaissance de ces quelques portées. Par distraction, on peut tout de même ajouter qu’il évoquera un quadrille dans sa nouvelle Aventure de la famille Raton qu’il écrivit en 1887, cela lors du mariage entre Ratin et Ratine. Dans ce conte très amusant et pourvu d’un humour critique, Jules Verne narrait les péripéties d’une famille de rats, qui au travers d’un parcours échelonné par le cycle de la métempsychose, offrait un ballet sur la nature humaine et l’évolutionnisme.

Enfin, la fête se termina par un bal où de jolies bayadères et de gracieuses almées, vêtues de leurs costumes orientaux, vinrent émerveiller l’auguste assemblée.
Le prince Ratin, comme il convient, avait ouvert le bal avec la princesse Ratine, dans un quadrille où la duchesse Ratonne figurait au bras d’un seigneur de sang royal. Dom Rata y prenait part en compagnie d’une ambassadrice, et Ratane y fut conduite par le propre neveu d’un Grand Électeur.
Quant au cousin Raté, il hésita longtemps à payer de sa personne. Bien qu’il lui en coutât de se tenir à l’écart, il n’osait inviter les femmes charmantes auxquelles il eût été si heureux d’offrir son bras, à défaut de sa main. Enfin, il se décida à faire danser une délicieuse comtesse, d’une remarquable distinction. Cette aimable femme accepta… un peu légèrement, peut-être, et voilà le couple lancé dans le tourbillon d’une valse de Gung’l.
Ah! quel effet! La place ne fut bientôt plus tenable!
Vainement le cousin Raté avait voulu ramasser sous son bras sa queue de baudet, comme les valseuses font de leur traîne.
Cette queue, emportée par le mouvement centrifuge, lui échappa. Et alors, la voilà qui se détend comme une lanière, qui cingle les groupes dansants, qui s’entortille à leurs jambes, qui provoque les chutes les plus compromettantes, et amène enfin celle du marquis Raté et de la délicieuse
comtesse.
Il fallut l’emporter, à demi pâmée de honte, pendant que le cousin s’enfuyait à toutes jambes!  » Les Aventures de la famille Raton – Ecrit en 1886, édité en 1891

Aventure de la famille Raton – écrit en 1886 – édité en 1891

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