Le Touquet Paris-Plage à la Belle Epoque

A l’occasion des 110 ans du Touquet-Paris Plage, je me suis interrogé sur son l’histoire du Touquet Paris-Plage à la Belle Epoque. Quand a-t-elle été créée, par qui, pourquoi, et ce que l’on venait y faire ?

Pour le coup, nous avons été chanceux de trouver un amoureux du « coin » qui nous parle de Paris-Plage, du Touquet et de la vie qu’on y menait, en long, en large et en travers.

Pour vous éviter les lectures complètes – bien que passionnantes – nous avons extrait les parties les plus intéressantes, drôles et croustillantes de ces publications. Peut-être un peu long, mais diablement informatif sur la vie des « Paris-Plageois », leurs tenues et leurs habitudes en 1904…

« A quoi bon courir à Arcachon quand, à quatre heures de Paris, on pouvait se procurer « les mêmes avantages » Fondons l’Arcachon du Nord, et puisque nous sommes à deux pas de Paris, appelons ce lieu Paris-Plage »Hippolyte de Vilmessant

La « création » de Paris-Plage

La première conception de cette plage appartiendrait à Hippolyte de Vilmessant, journaliste et directeur du Figaro. La légende rapporte que lors d’une grande partie de chasse, organisée dans la forêt du Touquet en 1874, la compagnie de chasseurs dont il faisait parti, déboucha sur cette plage. Le voisinage de la mer si prêt de la forêt fut une révélation et les enthousiasma grandement. Et, c’est en Paris-Plage que fut baptisé ce lieu.

Le nom est resté, relayé par la publicité qui en sera faite dans le Figaro. Mais la mort vint suspendre le rêve en supprimant le rêveur. Toutefois, le propriétaire du domaine, M. Daloz père, reprit l’idée pour son compte et fit faire un plan et un lotissement de la station balnéaire projetée.

Quelques dates : 

  • 1855, M. Alphonse Daloz entreprend de planter des pins maritimes, pour fixer la dune. Il crée ainsi une forêt où il invite régulièrement ses amis parisiens à des parties de chasse.
  • Le lotissement “Paris-Plage” est officiellement inauguré en 1882.
  • En 1883, les 2 premiers chalets : « L’Avant-garde et la Vigie » sont construits
  • C’est en 1889 que les constructions s’élevèrent de toutes parts. On en compta 22 dans la même année, dont le Grand Hôtel, imaginé par l’architecte Billoré.
  • Après le décès d’Alphonse Daloz, Le Touquet et Paris-Plage sont rachetés en 1902 par un Anglais, Sir John Whitley. Il lui faudra des années de tractations tendues avec la commune de Cucq pour obtenir la création officielle du Touquet-Paris-Plage, le 28 mars 1912. À cette époque, il faut 3h pour rejoindre la station depuis la capitale, grâce au chemin de fer du Nord et à la ligne de tramway électrique Étaples-Paris-Plage, inaugurée en 1900. 

Pourquoi un tel engouement pour le Touquet Paris-Plage ?

Le climat :

« Bien que Paris-Plage soit situé dans le Nord de la France, et dans un département où les hivers sont parfois très rigoureux, on peut affirmer sans manquer à la vérité, qu’il n’y gèle presque jamais. Le climat y est exceptionnellement doux, la température modérée en général : et dans l’été il y fait plutôt chaud, sans que la chaleur pourtant incommode, à cause de la brise de mer qui s’y fait toujours sentir. »

L’air marin et le pin maritime

« L’air est saturé de sel marin, mais encore d’iode : deux éléments bien faits pour convenir aux enfants, surtout s’ils sont faibles, et pendant les périodes de formation. Ajoutez à cela, quand vous vous retournez vers la forêt, les émanations bienfaisantes des pins maritimes […] Vous obtenez donc tout ce qu’il faut pour une thérapeutique naturelle, et qui semble indiquée dans bien des affections »

Matelos et Pêcheuse de crevettes

Paris-Plage, un lieu de repos en famille

« Les baigneurs qui s’y rencontrent fatigués de la ville, des réceptions de l’hiver des soirées d’affaires, viennent chercher le repos et la tranquillité. Ils s’abandonnent à la nature enivrante, et ils retrouvent bientôt en eux presque l’homme primitif. Aussi un rien les captive. Mille distractions les attirent du reste, et leur esprit dégagé des préoccupations de la veille, transforme celles-ci en passe-temps de toutes sortes. Ces passe-temps, ils les rencontrent, et ils les créent sur le bord de la mer et à la plage, dans la forêt qu’ils fouillent, dans la baie de la Canche qu’ils explorent, et enfin dans le pays qu’ils parcourent… » Paris-Place, c’est la plage de famille.

Le pataugeage

« On s’habille dans la tenue de personnes qui n’ont rien à perdre, on se met carrément jambes nues, et à la manière des canards, on barbote dans les flaques d’eau ou dans le flot qui monte. Ceci parait bête, c’est vrai. […] Voyez les promeneurs du dimanche, ceux-ci qui arrivent par le train du plaisir. Leur premier souci, en débarquant à la plage, est d’enlever leurs chaussures, leurs bas ou leurs chaussettes. […] Tous se transforment bien vite en palmipèdes, courant dans l’eau.

La baignade des petits

On aime pêcher à Paris-Plage !

Surtout la crevette …

« Par familles entières : dame en costume de bains, béret sur la tête – homme en pantalon de bain, tricot de marin et calotte. Mais les enfants des pécheurs sont présents aussi, et en profitent pour vendre leur butin, ou recueillir un petit sou pour acheter du pain. »

On pêche aussi : les équilles, le mulet, la sardine, on collecte les hénons

… et collectionner les coquillages…

« Les coquillages sont ramassés par centaines par les familles qui emportent leurs trésors précieusement avec eux. Un collectionneur « enragé » aurait passé une saison à l’étude des coquilles et a ramassé 32 espèces différentes ; et dans chaque espèce, de 4 à 25 variétés, ce qui lui a donné un produit de 350 à 400 types »

« De Paris-Plage, on ne s’en va pas les poches vides, ni les paniers non plus »

La cueillette

La forêt, les dunes et la plage sont aussi des lieux de cueillettes prisés. On y cueille de la Passe-pierre et de l’Absinthe, centaurée, onagre, epilobium, scabieuse des sables, sapinaires, etc.) Ainsi que des fleurs et des asperges. Notons aussi que la forêt est aussi un lieu de chasse.

Les verrotières – Charles Roussel – 1891

Le croquet

« Observez-les. Ils ont revêtu une tenue de circonstance. Les dames ont des toilettes claires, très claires, plus que légères, très dessinantes, et diablement parisiennes. Sur la tête un béret rouge ou blanc coquettement chiffonné, et dans lequel une épingle s’enfonce avec chic : aux pieds le soulier jaune obligatoire – et le costume et complet. Les messieurs, eux aussi, ont leur habillement à part. C’est le veston et le pantalon blanc, à petites rayures rouges et bleues, avec une chemise bouffante de couleur, sur laquelle en guise de ceinture, vient s’enrouler une large écharpe de soie noire. Sur la tête un chapeau de feutre mou, aux bords convulsés et négligemment jeté. »

Le croquet sur la plage de Lion-sur-mer – 1908

Le Lawn Tennis

Bien entendu, il fallait en parler, ne serait-ce que pour rappeler le quadrille du Lawn-Tennis…

« C’est dans un endroit d’une grande beauté, près de la baie de Canche, que les jeunes ont installé leur tennis, et s’exercent à beaucoup de tous ces jeux nouveaux si on honneur dans notre moderne société […] Quelques personnes l’ont baptisé du nom de « Tennis-Court », sans doute parce qu’il sert plus particulièrement pour le lawn-tennis. D’autres lui ont conservé son ancienne dénomination « Champ de la guillotine ».

C’est le rendez-vous de la société élégante et de la jeunesse.

Tennis au Touquet vers 1900

Tous les jours dès le matin, et aussitôt après le déjeuner de midi, vous voyez des bandes de jeunes gens et de jeunes filles, se rendant avec entrain vers ce lieu de prédilection. On a revêt, pour le circonstance, le costume « lawn-tennis », bien connu maintenant, et qui certes ne manque pas de chic. Tous sont armés de grandes raquettes, et s’apprêtent à faire voler dans l’espace la boule folâtre, en même temps que les bons mots. »

Visitez la région

Se balader sur la plage ou en forêt, croiser des peintures ou observer des verrotières… d’agréables moments sont possibles à Paris-Plage. Mais pour ceux qui voudraient aussi visiter les alentours Tout un programme de visite et d’excursions était proposé et organisé.

Que cela soit sur le littoral, en forêt, à Etaples, Cucq, Hardelot, Boulogne sur mer… Par bateau ou en tramway, un large panel de promenades s’offre aux citadins venus respirer les embruns du Nord.

Le repos sous les pins 

« Rien de plus curieux à Paris-Plage que ce passe-temps. C’est une de nos grandes ressources. Vous voyez, certains jours, toute la population campée sous les arbres. »

Five O’clock tea au casino de la forêt – Paris-Plage
Five O’clock tea au casino de la forêt – Paris-Plage

Flâner au marché

On y trouve légumes, fruits et fleurs, mais aussi des souvenirs (faïences de Desvres),

« Et pour acheter tous ces produits, les baigneurs se bousculent, se haussent les uns sur les autres, et se jettent littéralement dessus. C’est un brouhaha indescriptible. On ne fait pas de toilette pour faire son marché. On s’y rend comme on est. La seule coquetterie réside dans la coiffure. Un béret clair ou un gracieux polo chiffonné, souvent rouge, jeté négligemment sur une chevelure artistiquement ébouriffée, souligne au passage le chic d’une gentille figure, que vient encore adoucir une voilette légère savamment dressée. Le respect humain est banni de chacun. Vous voyez des millionnaires portant des poulets ou des filets remplis de salades. Les plus grandes dames marchandent elles-mêmes et mettent avec entrain la main à la pâte. Et c’est là leur plaisir. Elles dont, à Paris-Plage, ce qu’elles ne feraient pas dans leur propre ville. C’est à laquelle se montrera la plus parfaite ménagère. Les messieurs, quand ils n’accompagnent pas leurs épouses ou leurs filles, méditent, tout en déambulant, sur les avantages du sans-gêne et sur le charme de la simplicité. On tire une bouffée de tabac, de temps à autre, pour mieux agrémenter le rêve. […] Les amateurs photographes, eux, ne se comptent pas. Ils glanent dans ce milieu des clichés innombrables, qui feront la joie des longues soirées hivernales. »

La ducasse

Quand c’est la ducasse, on se repose… si on peut appeler repos, les excès auxquels on se livre dans cette journée.

Ceci est un moyen de célébrer la grande fête. Mais ce n’est pas celui de tout le monde, car chacun a sa manière.

Du monde à n’en plus finir…

Ceci est un moyen de célébrer la grande fête. Mais ce n’est pas celui de tout le monde, car chacun a sa manière.

Les sages se rendent en foule aux chevaux de bois, installés de la veille, et qui font un vacarme effroyable dans un coin quelconque de la plage.

Par là ce sont des tireurs de pipes, des amateurs de jeu de massacre. Ou bien on fait tourner des roues pour gagner une pièce de vaisselle grossièrement décorée. On tire aux berlingots. Enfin bref tout le monde s’amuse, en attendant l’heure solennel de deux heures, où commenceront les grandes réjouissances publiques. […]

Et le monde arrive toujours. La route d’Etaples à Paris-Plage est noire. Dans la forêt, on ne rencontre que couples joyeux se rendant à la ducasse. Les matelots ont, pour cette grandissime circonstance, revêtu leur costume de fête : jupon de couleur avec tablier de soie noire, fichu en soie de couleur en pointe avec effilées, aux pieds, d’élégants Richelieu avec des hauts talons ; sur la tête, le bonnet auréole blanc en dentelle et que le vent dresse aux oreilles. Les marins aussi ont leur tenue : pantalon collant noir à grand pont avec les poches en gousset, et le bas en pattes d’éléphant. Un gilet marin rentré dans le pantalon, et sur la tête, légèrement sur l’oreille, une casquette minuscule dont la visière colle au front, et avec cela toujours un petit « brûle-gueule » à la bouche.

Leur arrivée à Paris-Plage est salué par les hourrahs, car on attend après eux pour commencer la course des matelotes à travers les dunes. Cette course ne se fait pas sans incident. Il y a toujours des chutes plus ou moins drôlatiques.

Les jeux de foire

Après la distribution des récompenses, on passe à d’autres exercices. C’est le mât de cocagne avec ses tentations : un porte-monnaie, des paires de chaussures, une montre, des bas, un couteau, etc. Puis c’est la jatte remplie de farine, dans le fond de laquelle repose un deux sous, et qu’un malheureux doit trouve du bout des lèvres, les mains derrière le dos. Chaque fois qu’il relève la tête pour respirer, il apparaît comme un spectre, le visage complètement blanc, et l’hilarité de la foule éclate de toutes parts. Après, c’est le jeu de la poêle, sur laquelle les candidats viennent plaquer leur figure qu’ils noircissement : et cela pour décrocher une pièce de 10 sous !

Mat de cocagne à la ducasse du Touquet

Le bal de plein air

Près de l’Hôtel des Dunes on a installé un bal en plein air. Une demi-douzaine de musiciens, perchés sur une estrade composée de planches jetées sur des tonneaux, débitent toutes les cinq minutes un bout de polka ou de valse. Chaque fois que la ritournelle recommence, matelots et matelotes s’empoignent et s’en payent, jusqu’au moment où la fatigue les fait tomber sur les avances qui entourent le champ de danse.

Chant communal du Touquet Paris-Plage – 1911

Feux d’artifices et fin(s) de soirée

Puis c’est le feu d’artifice qui commence sur le sable. Les longues fusées montent dans la nue, et les soleils qui se déroulent jettent dans le ciel des feux qui concurrencent ceux des phares. A chaque coup qui se succède, ce sont des clameurs. Tantôt c’est une pièce qui rate ; tantôt un tourniquet qui s’arrête. On est plus content que s’ils avaient réussi, car c’est le signal d’un vaste chahut. Enfin voilà le bouquet, et c’est tout. Le dernier quinquet tremblotant, qui éclairait les artilleurs, là-bas, près de la bâche, s’est éteint. Les autres, qui ne sont pas encore suffisamment fatigués, envahissent la salle des fêtes du Grand-Hôtel et le salon de l’Hôtel des Bains, où un bal sérieux est organisé. […] Jusqu’à minuit, une heure, on s’escrime et on se tue en mille danses diverses, tandis que là-bas en plein air, nos marins, nos matelotes et nos ouvriers plus trempés, achèvent la fête le restant de la nuit. Ils se retrouvent debout le lundi matin, et ce jour-là les propriétaires qui font construire, deviennent enragés par le mauvais sang qu’on leur faire. Effet réflexe d’une grande fête !

Sources principales :


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