La danse des salons du XIXe siècle est marquée par quelques « superstars » des écoles de danse. Pour n’en citer que deux bien célèbres, prenons Henri Cellarius et Eugène Giraudet. Ils ont marqué leur temps, l’un par sa rigueur et sa popularité dans le tout Paris des années 1840/1850. Et l’autre par son incroyable lègue encyclopédique sur la danse, mis à jour pendant près de 30 ans entre les années 1880’s et 1910’s.
Parmi ces fameux maîtres à danser, intéressons-nous à un autre chorégraphe que nous citons moins souvent, mais non moins important tant il est toujours bien présent dans nos bals : François Paul. Nous lui devons, entre autres, les Lanciers-valsé ou encore le Polo américain…
Du Sud au Nord de la France
François, Antoine, Fortuné, PAUL est né à Aix en Provence le 8 mai 1834 de François Marius, ouvrier boulanger et Fortunée Radegonde DÉSIRÉ. Il décède à Paris le 1er janvier 1894 à son domicile, 14 rue du Faubourg Saint-Honoré sa profession alors est maître de danse.
Danseur, musicien et parolier, il épouse en 1863, à Rouen, Barbe Jeanne STEENEBRUGEN, danseuse et sœur du compositeur et chef de musique à Bruxelles, Joseph Michel Steenebrugen.
Il collaborera avec la famille Steenebrugen, notamment en tant que maître de ballet sur la pièce « Les Robinsonnes », pour laquelle il travaille avec son épouse. La partition de Joseph Steenebrugen est dédiée à Jeanne, sa sœur, et la danse est réglée par François Paul. Ce ballet sera présenté en 1870 à Nancy, lors d’une soirée spéciale dédiée à la Féérie où le couple Paul se produira. (Le ballet les Robinsonnes a été représenté à Nancy en mai 1870 La Comédie, n°383)
Directeur du Casino de Dieppe
De Rouen à Dieppe, il n’y a qu’un pas.
Le couple Paul succédera au célèbre couple Cellarius dans la direction du Casino de Dieppe, où François Paul officiera, lui aussi, comme maître à danser.
Nous n’avons pas la date exacte, mais nous pouvons émettre l’hypothèse plus que probable que le couple Paul s’y installe à partir de 1876, à la suite d’Henri Cellarius qui décède le 19 mai de la même année. Pour appuyer cette théorie, notons que le quadrille du Polo, dont nous rappellerons plus bas, est présenté en 1877 au Casino de Dieppe par F. Paul.
Et tout comme son prédécesseur, il restera à la direction jusqu’à son décès en 1894.
Ci-contre, le casino de Dieppe en 1857 qui avec ses voûtes et toits de verre est dans la lignée des grands palais de verre des expositions internationales, comme le Chrystal Palace à Londres.
La mode des bains de mer connaît à cette époque un nouvel essor grâce à l’arrivée du chemin de fer en 1848 à Dieppe.
Pour en savoir plus sur le rôle des Cellarius à Dieppe voir ici
Casino et Maître à danser
Il est singulier de constater que souvent au XIXe siècle les casinos se dotaient de maîtres à danser comme directeur. A y réfléchir, c’est là un choix de stratégie marketing éclairé. Car, à une époque où les voyages se simplifient et où le tourisme commence à être monnaie courante, il fallait bien pour les nouvelles stations balnéaires ou thermales attirer le public et lui proposer des loisirs à la mode.
La danse et les bals étant en pleine effervescence dans la deuxième moitié du XIXe siècle, il n’est donc pas surprenant de voir associés « Casino » et « Cours de danse ». Et pour cause, Dieppe, n’est pas un cas isolé.
Pour en revenir François Paul, son poste de directeur du Casino de Dieppe dans ce contexte est une formidable opportunité pour y développer la danse et des chorégraphies nouvelles qui feront la joie des petits et des grands.
Notons ce bal costumé pour enfants (Le Journal 27 Août 1893)
François Paul, un chorégraphe prolifique
Bien que peu nommé, nous lui devons beaucoup de nouvelles chorégraphies, ainsi que quelques copies… Oui, François Paul à notamment fait quelques arrangements de chorégraphies en publiant une nouvelle musique, s’arrogeant ainsi la paternité de telle ou telle danse… Une pratique un peu limite mais répandue dans la bataille des cours de danse.
Des danses de couples, et surtout des danses dites enfantines
En voici quelques-unes
- la Baby Polka/Badoise dont nous avons développé l’origine dans un article spécifique.
- La Moska,
- Le Pas de Quatre-Barn Dance (qui n’est pas de son fait, mais publié sous son nom)
- La Sliding Polka
- La Capri, nouvelle Tarentelle
- La Berline parisienne
- Ziberli-Ziberla
Des quadrilles
Le quadrille des Lanciers Valsé :
Le quadrille des Lanciers a connu de multiples variations en France, comme à l’international. Une de plus célèbre est celle des Lanciers Valsé qui mêle habillement la valse à la chorégraphie d’origine tout en lui donnant un souffle nouveau très agréable.
Voici ce qu’en dit Desrat dans son Dictionnaire de la danse historique, théorique, pratique et bibliographique – 1890 :
« Il y a quelques années parut Dieppe pendant la saison balnéaire un quadrille des lanciers valsé : le succès qu’il eut à la mer ne lui suffit pas pour lui assurer dans les salons de Paris une entrée triomphale. Les figures en sont pourtant animées et, disons-le, moins froides moins ternes que celles des lanciers anglais. La composition est du professeurs Paul et le quadrille a été publié sous le titre suivant chez Alphonse Leduc : La musique de L.-C Desormes et la danse de François Paul, professeur de danse à Paris et directeur du Casino de Dieppe…. »
Ce quadrille est dédié à Madame Isidore BLOCH, dont l’époux est membre de la Société Anonyme des courses de Dieppe et directeur de l’hippodrome de Dieppe (voisin du Casino où officiait F.Paul)
Le Polo Américain en 1877
« En 1877, au Casino de Dieppe, j’eus l’honneur de présenter un nouveau quadrille, intitulé Le Polo. La haute société s’en empara aussitôt et en fit promptement un succès, dès l’hiver suivant, le Polo était à la mode dans tous les salons. Depuis cette époque, j’apportai à ce quadrille plusieurs améliorations qui ne tardèrent pas à être adoptées. Mais la 1ère édition propageant toujours la version primitive, il en résulta de nombreuses hésitations. C’est dans le but d’obvier à cet inconvénient que je présente au public cette nouvelle édition, laquelle, annulant toute théorie antérieure, indique la véritable et seule manière doit être maintenant dansé ce quadrille, sous le titre définitif de Polo Américain, avec la musique de L. C. Desormes. Je dois ajouter que cette musique nouvelle, spécialement écrite par le jeune chef d’orchestre, donne à la danse un attrait de plus. »
Citons aussi les quadrilles du Triangle et la Gigue anglaise croisée très agréables à danser eux aussi.
Berthe l’amoureuse, œuvre de jeunesse – 1860
Pour terminer cette article sur François Paul, j’ai remonté la musique d’une de ses premières chansons du début de sa carrière. Sur une composition d’Anatole Loquin avec des Paroles de Georges Mercier et François Paul en 1860.
Si l’envie vous dit de pousser la chansonnette vous trouverez ci-dessous la partition, le texte, la musique.
Et pour faire connaissance avec la pauvre Berthe, le lien vers le roman Berthe l’amourse de 1843 de Henri de Kock
La musique
La partition originale ICI
Les paroles
Berthe vive et légère, S’en allait un matin
Mouillant dans la gougère, Ses souliers de satin
Où courez-vous, mignonne, De ce pas si joyeux ?
Où courez-vous, mignonne, De ce pas si joyeux ?
C’est je crois, ma friponne, Un secret amoureux
C’est je crois, ma friponne, Un secret amoureux.
Vite, vite il s’élance, Au-devant de ses pas,
Se cache et fait silence, Berthe riche d’appas
En pimpante toilette, Arrive au rendez-vous
En pimpante toilette, Arrive au rendez-vous,
Ignorant qu’on la guette, Dans un moment si doux
Ignorant qu’on la guette, Dans un moment si doux
D’un sentier solitaire, Débouche un beau chasseur,
Lièvre en sa gibecière, Et l’amour dans son cœur,
Te voilà donc ma belle, Ô fortuné moment !
Te voilà donc ma belle, Ô fortuné moment !
Et sa vive prunelle, Etincelle ardemment,
Et sa vive prunelle, Etincelle ardemment.
Blotti dans sa cachette, Notre indiscret témoin
Songe à faire retraite, Quand tout à coup, au loin,
Il voit le chien fidèle, Qui revient plein d’ardeur ;
Il voit le chien fidèle, Qui revient plein d’ardeur.
L’échappera-t-il belle ? Il aurait du bonheur,
L’échappera-t-il belle ? Il aurait du bonheur
Le chien dresse l’oreille, Jappe et tombe en arrêt ;
Le patient qui veille, Sent trembler son jarret
Un coup part et le blesse, Il tombe s’écriant ;
Un coup partit et le blesse, Il tombe en s’écriant :
Au diable ! la maîtresse, Et son farouche amant,
Au diable ! la maîtresse, Et son farouche amant
De ceci la morale, Est qu’en semblable cas,
Chance et parfois fatale, Et que l’on ne doit pas,
Suivre au bois la fillette, Qui s’en va le matin,
Suivre au bois la fillette, Qui s’en va le matin,
Se mouiller dans l’herbette, En souliers de satin,
Se mouiller dans l’herbette En souliers de satin.