Le travail de reconstitution pour les 160 ans du Quadrille des Abeilles
Au regard de tous les éléments trouvés (voir l’article complet ici), nous sommes capables de réinterpréter une partie du quadrille des Abeilles de 1863. Sans cela, je ne l’aurais pas fait.
Le reconstruire tel qu’il fut est impossible en raison de l’absence d’éléments suffisants ; ne serait-ce que par le manque de description précise de la chorégraphie. Toutefois, la ligne de travail était d’intégrer impérativement tous les éléments chorégraphiques, musicaux et scénographiques dont nous disposions.
A savoir :
- L’arrivée dans la salle de quatre ruches de paille garnies de feuillages, chacune contenant trois abeilles.
- Une sortie des abeilles avec des arches de fleurs garnies de violettes.
- Les abeilles sont ailées, corsetées d’or et ont un « aiguillon » au front (des antennes)
- Les abeilles effectuent de figures formant un ensemble homogène
- Une conclusion où quatre des abeilles rentrent dans un cercle de huit abeilles tenant les arches. Elles viennent s’encadrer en « médaillon » entre les arches fleuries.
- Le quadrille est exécuté sur la valse des rayons (Papillon) de Jacques Offenbach.
- Le quadrille est uniquement féminin.
La chorégraphie du quadrille des Abeilles de 2023
Exceptée la fin du quadrille qui est détaillée, nous n’avons aucun détail de pas, ni de figure.
De ce fait, nous avons pris en compte plusieurs paramètres dans l’élaboration de la chorégraphie.
En premier lieu, les danseuses n’étaient pas professionnelles. Elles étaient jeunes et issues de l’aristocratie et n’ont eu qu’une semaine pour apprendre et répéter la chorégraphie.
En second lieu, la chorégraphie a été créée par Louis-Alexandre Mérante qui interpréta Aristée dans le ballet des Abeilles du Juif Errant de 1852, et le prince Djalma dans le ballet du Papillon de Marie Taglioni. De même qu’il était déjà intervenu pour monter d’autres danses à la demande de Mme de Tascher de la Pagerie.
Nous avons ensuite porté notre regard sur ce qui a été effectué dans le ballet des Abeilles de 1852 et le Papillon pour y intégrer une certaine idée de déplacement dans l’espace de danse. Cela en gardant à l’esprit que les pas se devaient de ne pas être complexes.
De même que dans les deux ballets, ce sont des insectes qui dansent/volent, et que l’immobilité dans la nature est synonyme de danger. Ce qui induit un mouvement perpétuel et circulaire.
Autre point, que nous interprétons par le fait que 4 des abeilles furent à l’extérieur de la ruche à la fin de la chorégraphie de 1863, est qu’il y avait une distribution de rôles.
Il est plus qu’envisageable que chacune des abeilles ait joué un rôle. A notre avis, il devait y avoir une reine (celle qui vient s’encadrer dans le médaillon à la fin), une butineuse et une ouvrière. Cette distribution de rôle, quoi qu’invisible pendant la danse, a son intérêt pour la structuration des déplacements dans l’espace d’un essaim de douze abeilles. C’est cette idée que nous avons appliquée pendant la danse.
Enfin, bien que les abeilles de 1863 ne nous aient pas laissé beaucoup de traces, nous nous sommes largement inspirés des vraies abeilles. Disposer d’une ruche fut un atout indéniable dans la conception de la chorégraphie. Et, après quelques heures d’observation on se rend vite compte que les butineuses sont bavardes et qu’elles nous offrent un très vaste répertoire de déplacements précis et significatifs. D’ailleurs chacune s’exprime selon sa place dans l’organisation complexe de la ruche.
Nous avons aussi pris en considération que les abeilles butinent de fleurs en fleurs, reviennent à la ruche pour déposer le pollen, dialoguent entre elles et parfois visitent les autres ruches.
En définitif, cette fois-ci à l’inverse des abeilles du jardin du Luxembourg qui remercièrent celles des Tuileries en 1863, ce seront les douze abeilles qui en hommage aux petites butineuses en dansant leurs déplacements sur la valse des rayons de Jacques Offenbach, chorégraphiée par Julien Tiberghien.
Les costumes
Les costumes ont été dessinés et réalisés par Ibtihale Kheidri. Ils tiennent compte des besoins pratiques de déplacement dans et hors de la ruche, tout en gardant à l’esprit les gravures et descriptions que nous avons du ballet du Juif Errant de 1852 et du quadrille de 1863.
Les ruches
Les quatre ruches ont été conçues dans l’esprit de celles qui furent faites pour le quadrille de 1863, à savoir en paille/roseau.
La seule contrainte était le déplacement de celles-ci dans la salle de bal avec les abeilles à l’intérieur. Il fallait qu’elles soient construites dans une structure légère démontable et garnie de feuillages.
Les coiffes
Les photos, estampes et descriptions que nous avons, indiquent que les danseuses avaient des antennes. Ce que nous avons reproduit en un diadème discret.
Les arches de fleurs
Faites de feuillages et de fleurs, celles-ci semblent rigides sur les différents dessins que nous avons. A l’inverse du quadrille de 1885 qui nous montre une guirlande de fleurs souple, ici, nous avons bien des arches suffisamment résistantes pour garder une forme arrondie durant toute la danse. Elles sont parsemées de fleurs de violettes.
Les 12 abeilles du quadrille des Abeilles (par ordre Alphabétique)
Tout comme en 1863, il nous paraît évident de nommer ici les douze abeilles qui en seulement trois courtes sessions, ont travaillé la chorégraphie avec patience et dévotion. Les voici par ordre alphabétique :
Garance AGOSTO, Elise ARNOULD, Océane BENNATI, Lauriane BOURGEAT, Marie-Emilie CAPPEL, Marge CHESNAIS, Marine JOUFFREAU, Fatima KHEIDRI, Ibtihale KHEIDRI, Emeline NEANT, Clara PERETTI, Olivia WELY.
Sans elles, rien n’aurait été possible.
Reconstitution
Conclusion
Le faste de Second Empire a cette résonnance si particulière qu’il continue de nous émerveiller aujourd’hui. Les archives que nous avons du quadrille des Abeilles sont un magnifique exemple de cet éclat doré et sucré comme le miel dont les saveurs restent intenses dans le temps. Il n’est d’ailleurs pas surprenant que cet évènement ait connu diverses variations par la suite. La nôtre ne sera qu’une de plus pour laquelle nous avons essayé de nous rapprocher de ce qui a pu être. Peut-être finirons-nous par trouver les éléments manquants pour le reconstituer dans sa totalité.
Au final, remonter ce quadrille a été un moment privilégié et d’une rare intensité dans toute sa conception. Un moment de danse et d’histoire, dont le climax a été, évidemment, sa restitution 160 ans après, lors d’un bal organisé le 15 avril 2023 par le Ballet Impérial au château de Fontainebleau.
J’ai été plus qu’honoré d’avoir pu y présenter le quadrille des Abeilles dans ce haut lieu du Second Empire. Honoré, ému et envouté devant le ballet que nous ont offert douze magnifiques abeilles.
Remerciements
Je remercie en premier lieu toutes les 12 abeilles pour leur temps, leur patience et leur implication dans ce projet que cela soit pour leur confiance, leur présence, la couture, les répétitions, la lecture, les recherches, etc. : Garance AGOSTO, Elise ARNOULD, Océane BENNATI, Lauriane BOURGEAT, Marie-Emilie CAPPEL, Marge CHESNAIS, Marine JOUFFREAU, Fatima KHEIDRI, Ibtihale KHEIDRI, Emeline NEANT, Clara PERETTI, Olivia WELY.
Laure Schnapper pour nos échanges sur Isaac Strauss, sa bienveillance ainsi que la mention de mon travail dans son ouvrage : Musique et musiciens de Bal : Isaac Strauss au service de Napoléon III parue chez Hermann, 2023..
Jean-Guillaume Bart pour nos échanges au sujet du quadrille des Abeilles, et du temps qu’il a pris pour me répondre et me lire.
Yves Schairsée, Nathalie Keyaert, et les abeilles Marie-Emilie, Ibtihale et la méticuleuse Marge pour leurs relectures.
L’association le Ballet Impérial et Alexandre Cauet pour nous avoir permis de nous produire dans cet écrin magnifique qu’est le château de Fontainebleau.
Les Studios Le Plateau à Lille et Kim Kan à Paris de nous avoir accueilli avec tant de bienveillance pour nos répétitions.
Les membres de l’association Affordanse qui nous ont soutenu et encouragé pendant ce projet.
Franck Lebrun qui m’a challengé sur ce projet.
Et enfin, je rends hommage aux abeilles qui chaque jour dansent sans relâche à la pollinisation de notre planète.